Isoler pour lutter contre les passoires thermiques : gageure ou nécessité?

Depuis 1974 et le 1er choc pétrolier, la thématique des économies d’énergies a été associée à l’isolation thermique. Les lois, normes et règlementations thermiques se sont enchainées mais toutes n’avaient qu’une seule orientation, limiter la consommation d’énergie en limitant les déperditions.

Tout d’abord orienté vers la construction neuve, ces décisions ont été enrichi par les lois Grenelle I et II en 2009 et 2010. La rénovation faisait enfin partie de l’équation !!! Comment imaginer, quand on réfléchit à la transition écologique, qu’il ne faut investir et proposer des solutions uniquement pour le neuf.
Les éléments pris en compte pour cette loi sont simples : réaliser un audit des logements et bâtiments, les évaluer dans une échelle de performance énergétique issue du diagnostic de performance énergétique (DPE), et en déduire les nécessités de mises en œuvre de solutions pour économiser de l’énergie.

Le constat est simple, sachant que le secteur du bâtiment représente 44 % de l’énergie finale consommée en France (Source : Ministère de la transition écologique et solidaire 2015), réduire sa consommation de 28 % à l’horizon 2030 permettrait d’éviter le rejet de plus 20 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, mais la solution mise en œuvre est beaucoup moins limpide.

La solution mise en œuvre par les pouvoirs publics

Des plans investissements lourds ont été mis en place pour aider les propriétaires à l’isolation des bâtiments lors des rénovations ou même pour les inciter. Il faut lutter contre le froid de l’hiver pour moins chauffer… voilà !!!

En aucune manière, d’autres éléments sont entrés dans l’équation. Donc la solution évidente est l’isolation. Isoler fort pour pas cher car il y a beaucoup de logements qui nécessite cette action.

L’ADEME a publié le résultat des Travaux de Rénovation Énergétique des Maisons Individuelles (TREMI) : pendant la période 2014 – 2016, 5,1 millions de ménages en maisons individuelles ont réalisé des travaux, dont au moins un geste s’est terminé en 2016 (soit 32% du parc de maisons françaises). Le chiffre d’affaires de ces travaux s’élève à 59,3 milliards d’euros, représentant une dépense moyenne de 11 750 € par logement.
3,82 millions des réalisations, soit 75%, n’ont apporté aucune modification au classement DPE des logements. Cela représente 36.3 millions d’euros soit 61% de l’investissement total, sans aucune efficacité selon les normes de référence de l’action. C’est donc un bilan plus que mitigé et plus grave encore, 73% des ménages concernés considèrent qu’il reste des travaux à réaliser !

L’étude montre que les isolants utilisés pour ces travaux sont à 85% des matériaux d’origine minérale ou synthétique, ne laissant qu’un petit 15% pour les biosourcés.

Pour couronner ce résultat éloquent, le nombre de malfaçons est énorme ce qui a mené l’Anah à réduire les seuils de prises en charges de « MaPrimeRénov' », ce qui ne résoudra pas le problème pour les ménages en attente, et ne supprimera pas les entreprises douteuses qui surfent sur cette manne d’argent sans aucune compétence et au détriment des véritables artisans et des clients

Mais est-ce la réponse qu’il faudrait réellement apporter ?

S’obstiner à parler de température cible, d’énergie de chauffage et de matériaux d’isolation contre le froid, est une aberration qui nous mène à y adjoindre le plus souvent des solutions pour refroidir l’été sous forme de climatisations très énergivores et bien peu écologiques.

Ces solutions ne prennent en aucun cas en compte des éléments qui pourtant sont essentiels, comme la gestion de l’air intérieur et de l’humidité, le ressenti de température et le confort des occupants. Mais que dire aussi de l’impact environnemental des matériaux comme la laine de verre ou le polystyrène !!!

La solution qui pourrait être mise en œuvre

Nous nous obstinons à utiliser des matériaux de construction qui ne favorise pas une bonne isolation (béton, ciment,…) et nous compensons en mettant des isolants. Commençons par réfléchir à réutiliser le pisé, la paille, le chaux/chanvre, la pierre et nous découvrirons leurs nombreux avantages. Ces matériaux subissent moins de traitement et de mécanisation donc ont un bilan carbone plus favorable. D’origine naturelle ils sont réutilisables ou recyclables donc moins polluants en fin de vie.

Pour l’isolation la réflexion est la même avec des matériaux comme le chanvre, le bois, la laine animale, la ouate de cellulose,… en plus d’être de bons isolants ils ont une capacité de déphasage qui permet de réduire l’impact de la chaleur en été donc d’éviter les climatiseurs.

Conclusion

Nous ne pouvons que regretter les orientations qui sont prises et surtout maintenues alors que leur efficacité est de plus en plus remises en compte. L’évolution de prise de conscience à la suite de la crise sanitaire que nous traversons changera-t-elle le mode de pensée et créera de nouveaux axes pour notre politique de développement durables et les normes qui devraient se mettre en place dans les années à venir.

Sensibles à ce type de sujet, nous invitons tous les professionnels à nous rejoindre lors de la 2ème Journée interprofessionnelle : construire en biosourcés qui se déroulera le vendredi 6 novembre au BTP CFA Allier. Inscription et informations sur la page dédiée de notre site.

Pour compléter ce sujet, vous pouvez consulter le très bel article de Claude Lefrançois sur Buildgreen